Les 1231 critiques de Thierry Bellefroid sur Bd Paradisio...

« Trolls dans la brume », tome 6 de Trolls de Troy, par Arleston et Mourier. Chez Soleil.

Une nouvelle aventure rafraîchissante et drôle pour Teträm, Waha et quelques autres seconds rôles. Mais aussi une nouvelle occasion de voir à quel point Goscinny hante l'humour de Christophe Arleston. Alors qu'il a pris davantage de distance avec son maître dans le nouveau cycle de Lanfeust, les albums de Trolls de Troy, eux, sont tous de véritables hommages à Astérix et Obélix. Ce « Trolls dans la brume » ne se contente pas de leur emprunter des ressorts humoristiques, ni de jouer (parfois avec un brin de lourdeur) sur les jeux de mots les plus échevelés, il recycle carrément les ingrédients de « Astérix légionnaire ». Jusqu'aux poses du personnage d'instructeur qui, bien que transformé ici en femme, doit beaucoup à un certain Belinconnus...
Passée cette filiation plus qu'évidente, voilà un album bien agréable à lire, peut-être un rien trop lent au début, mais souvent très drôle. Les allusions au Loft n'étaient sans doute pas nécessaires, mais certaines scènes sont si réjouissantes que s'y attarder serait inutile.
Persepolis - tome 3 (Persepolis) par Thierry Bellefroid
Persépolis 3, par Marjane Satrapi. A L'Association.

Tant de gens ont prédit la « chute » de Marjane Satrapi, couronnée deux ans de suite à Angoulême, que j'ai presque envie de dire avant d'aller plus loin : ce n'est pas pour cette fois-ci ! La rumeur veut en effet que la dessinatrice iranienne ait pété les plombs, gargarisée par son propre succès, convaincue de son génie. Laissons donc la rumeur faire son travail. Et Marjane faire de la BD. La fait d'avoir eu son portrait dans Libé n'a pas changé son approche de l'autobiographie qu'elle a entrepris à travers « Persépolis ». Marjane reste lucide, elle conserve une certaine distance d'avec son propre personnage. A la lecture de ce troisième volume, qui raconte l'exil viennois, certains seraient tentés de dire qu'elle en fait trop. Défoncée, déprimée, rattrapée par une solitude éprouvante et par la culpabilité d'échapper seule à la guerre qui ravage son pays, Marjane vit en Autriche les moments les plus noirs de son existence. Ce n'est pas nécessairement larmoyant pour autant. Quoiqu'elle raconte, elle ne se départit jamais de cet humour et de ce second degré qui la caractérisent. Et à bien lire ce qu'elle nous raconte de sa vie, on se dit que non, décidément, elle n'en fait pas trop. L'enfance et l'adolescence de Marjane Satrapi constituaient un formidable matériau de base pour une BD. Sa force, son intelligence et son talent, c'est d'avoir transformé cette matière première avec tant de brio. Le découpage sans fard est imparable, le rythme ne faiblit pas tout en laissant la place à des moments plus légers mais jamais insignifiants, l'émotion affleure où il faut et malgré la dureté du récit, l'auteur ne s'apitoie jamais sur son sort.
Les sentiers de la perdition par Thierry Bellefroid
« Les sentiers de la perdition », par Max Allan Collins et Richard Piers Rayner. Chez Delcourt.

Ce n'est pas « From hell », mais tout de même... Les 287 pages de cet album en noir et blanc méritaient amplement d'être traduites en français et d'être publiées quelques jours avant la sortie du film interprété par Tom Hanks et Paul Newman. Guy Delcourt nous offre en effet l'un des albums de la rentrée, un album vif, mordant, trépidant même, mais pas dénué d'humanité. Pourtant, c'est à une des pages noires de l'histoire de la maffia que nous convient Max Allan Collins et Richard Piers Rayner. Tout commence avec le massacre de la femme et de l'un des fils de Michael O'Sullivan, surnommé l'Ange de la mort, un tueur surdoué qui officie durant la prohibition. S'en suit une course folle, une course marquée du sceau de la vengeance, de la violence et de la survie. Mais l'originalité du propos est de nous raconter cette course à travers les yeux d'un enfant, l'autre fils de O'Sullivan, qui va entrer d'un coup dans le monde des adultes et sera amené à tuer à son tour. Sans jamais faiblir, le récit nous entraîne dans un engrenage fatal avec une maestria éblouissante. On ne s'étonne pas du coup de foudre du réalisateur Sam Mendes pour ce scénario. On s'étonnera en revanche du choix qu'il a fait en modifiant une fin pourtant parfaite. Car la dernière page de l'album est réellement inattendue. Et vient compléter le bonheur d'une lecture haletante.
Red Dust Express (Comanche) par Thierry Bellefroid
« Red Dust Express », tome 15 de la série Comanche, par Greg, Rodolphe et Rouge. Chez Dargaud.

Rien ne nous rendra la Comanche de notre enfance. Pas seulement parce que Greg est aujourd'hui au paradis des scénaristes. Mais aussi parce que même s'il la reprenait aujourd'hui, Hermann ne pourrait plus dessiner cette série avec la patte des années 60-70 à laquelle il a résolument tourné le dos. Alors, faut-il pleurer sur notre sort et considérer que Comanche s'arrête avec « Le corps d'Algernon Brown » ? Ou faut-il prendre le risque d'ouvrir « Red Dust Express » et d'y chercher un nouveau souffle ? Etant plutôt ouvert aux expériences, j'ai choisi la seconde solution. Et là, même si je dois dire que la guerre du rail est un sujet aussi éculé dans la BD de Western que le paradoxe temporel en SF, j'ai quand même trouvé que Rodolphe ne s'en sortait pas trop mal. En bon mercenaire, il enchaîne les références à l'univers de Greg : dialogues, situations, héros au grand coeur, méchants aux surnoms évocateurs, tout y passe. Même une allusion directe à la mort du maître, un salut respectueux partagé avec les lecteurs. M'en reste l'impression -qu'il me soit pardonné d'ainsi blasphémer- que ce faux Greg sonnait plus juste que les précédents, pourtant écrits par l'auteur lui-même... Evidemment, il n'y a rien que de très attendu dans cette histoire qui utilise toutes les ficelles du genre. Seule l'avant-dernière page réussira à surprendre. Mais c'est en tout cas moins mauvais que la Jeunesse de Blueberry !
Ca vous choque - tome 5 par Thierry Bellefroid
« Ca vous choque ? », par Dany. Chez Joker.

Et revoilà Dany dans son exercice favori. Non non, ce n'est pas un best of. C'est du 100% neuf. C'est vrai qu'avec deux compilations pour quatre albums originaux, l'ami Dany était en passe d'entrer dans le Guiness Book de la BD ! Le voilà donc de retour avec ses blagues de comptoir ou de soirées entre mecs, mises en images, en jambes et en décolletés plongeants. Souvent imité, le Dany. Jamais égalé. Dans cet exercice de style, il est le meilleur. S'il tient tant à qualifier ses albums d'albums « coquins » et non « de cul » ou « de blagues cochonnes », ce n'est pas uniquement par snobisme. C'est parce qu'il arrive à éviter -le plus souvent- la véritable vulgarité, au profit d'un regard amusé sur le sexe. Mention particulière pour ce recueil en partie consacré aux blagues sur les blondes. C'est sans doute la partie la plus savoureuse de ce « Ca vous choque ? ». Quant au reste, à quoi bon disserter ? La matière est connue, Dany s'amuse, il égratigne ses copains au passage (Tibet en tête, comme toujours, mais il y en a d'autres...) et il fantasme sur sa planche à dessin en sachant très bien que dans la vie -la vraie- une femme sur dix mille ressemble à celles qu'il dessine à longueur de temps. Evidemment, tout ça n'arrive pas à nous faire oublier qu'on attend toujours Equator et Olivier Rameau... et qu'il y développerait mille fois mieux ses talents !
Volunteer - T. 1 (Volunteer) par Thierry Bellefroid
« Volunteer », tome 1, par Sevestre et Springer. Chez Delcourt.

Présenté comme le thriller de la rentrée, Volunteer se doit d'être à la hauteur. D'autant que l'histoire tient en deux volumes de 72 pages, il faut donc faire mouche du premier coup. Le dessinateur des Terres d'Ombre, Benoît Springer, privilégie les effets classiques ; les couleurs sont sombres, souvent en aplats et l'ordinateur se fait discret. Mais puisque Muriel Sevestre a choisi de traiter de vampires plutôt que des traditionnels psychopathes serial killers, Springer insiste sur les visages déformés et les mâchoires menaçantes de ses curieux personnages. Décors réalistes, personnages aux proportions parfois un peu approximatives, découpage maîtrisé. Quant à l'histoire, elle distille ses ingrédients à la manière des Stryges, mais en moins trépidant. Tantôt nerveux et angoissant, tantôt tiré en longueur, l'album se laisse lire sans pour autant donner au lecteur l'envie de le dévorer. D'autant que les débuts sont parfois un peu touffus. Reste un livre agréable, qui comporte sa part de mystère et nous propose un univers de vampires modernes, urbains, qui nous changent agréablement des autres BD du genre. A cheval entre polar et fantastique pur, Volunteer a peu de chances d'entrer dans l'Histoire de la BD, mais il a tout à fait sa place dans votre bibliothèque.
Les liens du sang (Le tueur) par Thierry Bellefroid
« Les liens du sang », tome 4 de la série « Le Tueur ». Par Jacamon et Matz. Dans la collection « Ligne Rouge » des éditions Casterman.

Ca bouge, chez Casterman. On a l'impression que l'éditeur a enfin digéré son double rachat et que les errances éditoriales sont passées. La plupart des séries ados-adultes sont regroupées sous le label « Ligne rouge ». Les mauvaises langues diront que comme ça, tout le monde aura son « Repérages » ; Le Lombard avec « Troisième Vague », Bamboo avec « Grand Angle », etc... Mais soyons positifs et saluons un choix éditorial manifestement guidé par davantage de cohérence que feu la collection « Nouvelles Têtes Fortes Têtes »... dans laquelle se trouvait d'ailleurs l'un des séries de « Ligne Rouge », « Mon nom n'est pas Wilson ». C'est vrai que regrouper Fog, Baldwin, Les coulisses du pouvoir, Le cercle des sentinelles et Le Tueur, par exemple, n'est pas une idée idiote, loin de là. Cela n'empêche pas l'un ou l'autre erreur de casting de gâcher cette belle impression. Mais ne nous attardons pas sur les séries les moins prestigieuses de ce nouveau catalogue de collection et allons droit au but.
Le Tueur poursuit sa route, fidèle à son univers et à ses objectifs initiaux. Ou on accepte le récit désabusé, cynique, parfois réac et machiste du héros de Jacamon et Matz, ou on passe sa route. Si on entre dans leur jeu, il faut bien reconnaître que ce nouvel album est au moins aussi réussi que les précédents. L'histoire se corse, le récit se déroule en partie en flash-back et informe le lecteur avec une certaine intelligence, les personnages secondaires prennent de l'ampleur et viennent changer, quelque part, le regard du Tueur sur le monde qui l'entoure. Toujours violent -et même plus que jamais puisque le Tueur s'interroge lui-même sur un acte de violence qu'il n'avait jamais commis auparavant-, le récit est aussi peut-être plus introspectif. La voix off est en tout cas très présente, sans jamais amener le lecteur à s'ennuyer. Quant au dessin de Luc Jacamon, on le préférait moins informatisé, mais il reste d'une qualité irréprochable. Jouant parfaitement de la verticalité et de l'horizontalité pour amener des effets sur les scènes d'action comme sur les visages en gros plan, il sombre peut-être un peu trop souvent dans l'hyper-réalisme qui rapproche trop le dessin de la photo. Dommage, car à ce petit jeu, la BD est perdante à tous les coups.
Big Bunny (Pin-up) par Thierry Bellefroid
« Big Bunny », Tome 8 de Pin Up. Par Yann et Berthet. Chez Dargaud.

Suite du cycle « La Vegas » et plongée dans l'Amérique des contrastes. Cette fois, Yann, au sommet de son art, manie à la fois les pulpeuses « bunnies » de Hugh Hefner -le patron de Playboy, les règlements de compte de la maffia et le flower power des pacifistes opposés à la Guerre du Vietnam ; tout cela dans un patchwork parfaitement ordonné. Du cousu main pour un Berthet qui se régale et donne l'impression de dessiner en respirant. Plus la série avance -aidée par la reprise en mains des couleurs, assurées depuis deux albums par Bertrand Denoulet- plus on a l'impression qu'elle est injustement victime d'un premier cycle qui l'a emprisonnée dans la catégorie des BD « connotées sexuellement ». Oui, il reste du fantasme et de l'érotisme dans le dessin de Berthet. Oui, l'univers des filles de Playboy apporte du glamour. Mais Il y a tellement plus aujourd'hui dans Pin Up qu'on aimerait que le labeur de ses auteurs soit récompensé par un plus grand succès public.
« Plusieurs noms pour le bleu », tome 2 de la série Aberzen, par N'Guessan. Chez Soleil.

Marc N'Guessan signe le deuxième tome de cette très belle série de fantastique animalier moins d'un an après la sortie du premier tome. Cette rapidité -à laquelle il ne nous avait pas habitué- montre sans doute à quel point ce projet le motive. Toujours avec Gibelin aux couleurs, N'Guessan offre une suite un rien plus classique aux tribulations de ses héros qui ont « raté leur mort ». C'est vrai, si on ne s'ennuie pas une minute dans ce très bel album, on est moins souvent surpris que dans le premier. Mais le dessin reste d'excellente facture, rivalisant parfois avec celui de Léo dans l'invention d'un bestiaire qui est pour beaucoup dans le succès de cet univers. Quant aux personnages, ils ont désormais des contours mieux définis... ce qui n'empêche pas des surprises bien dosées comme à l'avant-dernière planche ! Soulignons aussi les très bons dialogues et le découpage sans faille de cet album.
Le club de l'éclair (Ludo) par Thierry Bellefroid
« Le club de l'éclair », cinquième tome de la série Ludo, par Bailly, Mathy et Lapière. Chez Dupuis.

C'est toujours un plaisir de retrouver Ludo. Les fables que lui imagine Lapière sonnent décidément juste et s'intéressent aux facettes souvent peu exploitées du monde de l'enfance. Et puis, il y a cette histoire dans l'histoire que constitue chaque fois le déroulement d'un des épisodes de la BD préférée du jeune Ludo, « Inspecteur Castar ». Cela ajoute poésie et imaginaire au monde plus prosaïque où vit le garçon. Cela permet souvent aussi de trouver le déclencheur d'une histoire. C'est encore le cas ici, puisque Ludo se laisse entraîner dans le « Club de l'éclair » pour avoir la suite de l'histoire de l'inspecteur Castar que ses parents ont oublié de prendre avec eux en vacances. Denis Lapière en profite pour démonter les pièges de la cupidité en version enfantine. Ludo est prêt à tout pour pouvoir lire deux pages de Castar, même à devenir un tortionnaire en culotte courte. Comme à chaque fois, l'histoire est morale sans faire la morale. C'est cette justesse de ton qui est la grande force de Denis Lapière dans les séries enfantines qu'il anime. Ludo bénéficie aussi du traitement graphique irréprochable des deux complices Bailly et Mathy.
« Le jour du jugement », tome 2 de la série « Les Processionnaires », de Séra et Saimbert, chez Albin Michel.

Toujours aussi envoûtant et original, le dessin de Séra donne vie à une vision du purgatoire assez passionnante. Une sorte de remake de « Histoires sans héros » de Van Hamme et Dany, mais en beaucoup moins innocent. Ici, la jungle est tout autre chose qu'une prison végétale ; elle est habitée de créatures inquiétantes, monde parallèle aux issues inconnues, parcouru de rescapés aux aguets. Ils sont huit, huit processionnaires, qui marchent vers la lumière dans cette jungle peuplée de cannibales. Une forêt où on vit le remords éternel et le regret de n'avoir pas été meilleur de son vivant. Angoisse d'un monde aux règles tronquées et incompréhensibles. La survie est poussée ici au rang d'art véritable, mais vain. Car quel sens a la survie dans un monde où l'on est déjà mort ? C'est tout l'enjeu, l'intérêt et l'ambition du projet de Séra et Saimbert. Pour l'heure, le propos est à la hauteur des espérances. Reste à voir de quelle manière les auteurs tireront leurs personnages du guêpier dans lequel ils les ont fourrés.
« Tony & Alberto N°3 », par Dab's. Chez Glénat.

Alors que Titeuf s'envole vers des sommets commerciaux, « Tchô la Collec » continue de publier les albums de ses condisciples dont certains semblent épouser de plus en plus le graphisme de Zep. Parmi les Malika Sekouss, Samson et Néon, Raghnarok et autres qui sont parus cet été, force est de constater que la meilleure série est incontestablement « Tony et Alberto ». Dab's n'est pas seulement un bon gagman, il possède un trait et un découpage qui font de chaque planche un petit monde à la Franquin. Les expressions des personnages, la stylisation des décors, l'importance des gags visuels y sont pour beaucoup. On a l'impression que Dab's est finalement autant le fils de Zep que celui de Larcenet. Au bout de trois albums, son humour est toujours aussi inventif et ses personnages ont pris leurs marques sans tomber dans le stéréotype. Il n'aura sans doute jamais le succès d'un Titeuf, mais ses deux turbulents héros méritent d'être découverts.
Le meilleur de Vuillemin par Thierry Bellefroid
« Le meilleur de Vuillemin », chez Albin Michel.

La mode est aux « best of ». Dans certains cas, elle se justifie pleinement. Dans d'autres, elle charrie des relents purement commerciaux parfois nauséabonds. Albin Michel a eu l'excellente idée de publier coup sur coup « Le meilleur de Vuillemin » et « Le meilleur de Pétillon ». Deux auteurs au talent indiscutable dont l'oeuvre est suffisamment étoffée aujourd'hui pour qu'une compilation des meilleurs moments soit autre chose qu'une arnaque. Si vous ne vous êtes jamais laissé tenter par les gags du maître de la ligne crade, voici sans doute l'album à ne pas rater. Une initiation idéale qui vous permettra de faire connaissance avec un humour légèrement adipeux mais tellement bien mis en images par Vuillemin. Même les blagues déjà entendues dix fois prennent sous sa plume un « charme » différent.
Ras l'képi (Hercule) par Thierry Bellefroid
« Ras l'képi », tome 2 de Hercule, par Yannick. Chez Bamboo.

Hercule est de retour, peut-être autant pour les nostalgiques de Pif Gadget que pour les plus jeunes. C'est vrai que le chat facétieux a conquis jadis des millions de petits lecteurs aujourd'hui devenus grands. Yannick ne s'est pas contenté de le reprendre dans Pif de 1976 à 94. Le chat créé par Arnal ayant retrouvé une certaine notoriété grâce au dessin animé, Yannick a remis le couvert. Actuellement collaborateur au Journal de Mickey, le dessinateur publie chez Bamboo son deuxième album d'Hercule. Des gags acidulés, qui sentent bon la BD d'un autre âge, même si les objets les plus modernes (hélico, avion de chasse...) s'y côtoient. Avec son éternel sparadrap sous le nez et son air enjoué, Hercule fait des farces souvent gentilles dont il est parfois la première victime, juste après le gardien de square et son légendaire juron « Bazar de Grumlot !». Rien de bien méchant, une sorte de petite famille qu'on se plaît à écouter nous raconter ses tribulations en sirotant un Citron-Grenadine...
« La force est en lui ! », tome 1 du Nouveau Jean-Claude, par Tronchet et Tripp. Chez Albin Michel.

Alors que Fluide ressort les « années romantiques » en intégrale, Jean-Claude Tergal s'offre une nouvelle carrière sous le pinceau de Tripp, l'homme qui a « story-boardé » le scénario du film imaginé et réalisé par Tronchet. Ce n'est pas une B.O. dessinée. Mais une vraie BD dans des tons chauds à la de Crécy. Jean-Claude est toujours le souffre-douleur idéal de la gent féminine, mais le « Nouveau Jean-Claude » est davantage un garçon pas très chanceux qu'un beauf incapable. Largué en amour, fidèle en amitié, Jean-Claude croise une galerie de personnages plus ou moins attachants parmi lesquels le facétieux chauffeur de taxi Jeff ou le Gang des Voleurs de Pizzas. Moins lourd que son prédécesseur, le Nouveau Jean-Claude est un loser attachant, une sorte de néo-romantique, qui fait rire de ses malheurs et collectionne les baffes dans la gueule comme des perles sur un collier. Mime statufié au parc le jour, livreur de pizzas la nuit, il semble condamné à subir la vie mais sans céder aux accès de misanthropie (ou à tout le moins de misogynie) qui affectaient son prédécesseur. On n'est plus tout à fait dans la farce, il y a de la tendresse dans tout ça !
Celui qui voit (Sam Lawry) par Thierry Bellefroid
« Celui qui voit », tome 1 de Sam Lawry, dans la collection Grand Angle des éditions Bamboo.

Après avoir réussi une belle percée sur le marché de l'humour, Bamboo revoit ses ambitions à la hausse et attaque les grands éditeurs en place sur le marché très porteur de la BD réaliste ado-adulte. A la tête de ce nouveau projet éditorial, le scénariste de ce premier album, Hervé Richez. Il quitte l'humour de « Dirty Henry » pour une histoire qui mêle les éléments d'Histoire sur le Vietnam à un zeste de fantastique. Sam Lawry s'est engagé à la suite d'une sombre histoire de cantiques dont on ne saura finalement rien au terme de ce premier album (et c'est un peu énervant parce que ça donne un côté pesant et gratuit à toutes les allusions à cette affaire, distillées au gré de l'histoire). Lawry a des visions qui lui permettent de savoir à l'avance qui va mourir parmi ses frères d'armes. Si ce postulat de départ n'est pas neuf -il a déjà souvent été employé en littérature-, son application est tout à fait à la hauteur. L'univers de Sam Lawry est crédible, l'histoire bien menée, y compris dans le rythme choisi (deux albums) et les personnages sont suffisamment développés. On regrettera parfois un côté un peu trop documenté qui sonne faussement authentique, notamment dans l'emploi de certaines expressions. Mais l'histoire ne devrait pas manquer d'intéresser un large public. Bref, même si cet album n'entrera pas dans l'histoire de la BD, il peut néanmoins rivaliser avec les productions d'éditeurs beaucoup plus gros ; qu'on pense aux collections Troisième Vague du Lombard ou Bulle Noire de Glénat. Au dessin, Mig s'en tire plutôt bien, lui aussi. C'est très clair, fluide. Il faudra en revanche que le dessinateur fasse attention aux expressions de ses personnages, trop limitées et stéréotypées, car elles ôtent une part de crédibilité à l'histoire. Le reste, ce n'est qu'une question de pratique, qui verra sans doute se corriger les erreurs de proportions et une certaine raideur dans le dessin. Mais là encore, on a vu bien moins abouti chez de grands éditeurs... Au final, une surprise plutôt agréable, donc, que devraient très vite venir confirmer d'autres albums. Le prochain scénario d'Hervé Richez dans la même collection devrait sortir en octobre et clairement loucher sur les univers actuellement explorés par les éditions Glénat avec sa collection Loge Noire ; la série s'appellera « Le Messager ».
Tabasco Blues par Thierry Bellefroid
« Tabasco Blues », par Trillo et Risso. Chez Albin Michel.

Les Argentins Trillo et Risso sont ici au sommet de leur forme. L'héroïne de cette histoire, Alejandra, devenue détective privée par déterminisme familial, est le résultat d'un excellent casting. Eduardo Risso a su lui donner une apparence chétive et grotesque à la fois, collant parfaitement au personnage de fille laide et insipide qu'avait imaginé son scénariste. Dans une New York sordide à souhait, le dessin toujours aussi efficace de Risso combiné aux idées tordues de Carlos Trillo fait merveille. Alejandra est née pour se faire marcher sur les pieds, rouler dans la farine, exploiter sa vergogne. Ce qui ne l'empêche pas de mettre les deux pieds dans la merde des autres, parfois avec plus d'inconscience que de cran. Excellente succession d'histoires policières, ce Tabasco Blues est imparable ; il explore avec délices les recoins tordus de l'âme humaine et on s'en délecte jusqu'à la dernière case. Du vrai roman noir.
Ennemis !! (Sables rouges) par Thierry Bellefroid
« Ennemis ! ! », tome 1 de « Sables Rouges », par Lukinburg et N'Karna. Chez Pointe Noire.

Un dessin d'une grande clarté, extrêmement lisible et très cinématographique. Un propos qui malgré ses côtés convenus au départ ne manque pas de captiver : « Sables Rouges » est une des séries à suivre dans le catalogue de Pointe Noire. Au départ, évidemment, ce réveil d'une espèce inconnue sur Mars dont on retrouve le cocon éventré ne peut que faire soupirer un lecteur déjà abreuvé d'histoires du genre, à commencer par Alien. Mais très vite, on s'aperçoit que les auteurs ont su profiter d'un genre a priori éculé pour développer un talent personnel. Action, suspense, « Sables Rouges » manie les ingrédients avec un certain brio, si bien qu'on ne s'ennuie pas une seconde. Face à cette efficacité qui se traduit tant dans le dessin que dans le scénario, le lecteur se laisse mener tambour battant jusqu'à la dernière case et se demande ce que lui réserve la suite, qui verra s'organiser la résistance de la colonie humaine face à cet envahisseur apparemment invincible.
Les lettres de mon moulin par Thierry Bellefroid
« Les lettres de mon moulin », d'Alphonse Daudet et Mittéï. L'édition intégrale. Chez Joker.

Thierry Taburiaux, le sympathique patron des éditions Joker, continue une politique éditoriale schizophrénique qui l'amène à publier parallèlement à ses albums « coquins » des rééditions de grands classiques de Spirou et Tintin tombés dans les oubliettes de l'histoire de la BD. Après s'être pris d'amour pour Ginger, après avoir ressuscité Arlequin, Tounga et quelques autres, il publie l'intégrale de ces « Lettres de mon moulin » revisitées par le dessinateur liégeois Mittéï aujourd'hui disparu. Un travail tout en rondeur, en finesse et en amour, que celui de ce modeste artisan, ébloui par la beauté des mots et la poésie du monde de Daudet. Les années ont passé mais ce classique des classiques n'a pas vieilli. Pas plus en littérature qu'en BD, d'ailleurs. Le charme provençal, les portraits à la fois piquants et tendres : tout fonctionne encore parfaitement. Quelques histoires sont particulièrement réussies, comme « Le secret de Maître Cornille » ou « L'élixir du révérend père Gaucher ». Et bien sûr, il y a l'inévitable « Chèvre de Monsieur Seguin ». Mais il y aussi, pour conclure l'album, ce cycle corse plus noir et plus réaliste que Mittéï illustre avec autant de talent que les « Lettres ». Une oeuvre à redécouvrir. 150 pages de bonheur.
« Sam & Twitch, tome 3 », par Brian Michael Bendis et Alberto Ponticelli. Chez Semic.

Et revoilà l'un des meilleurs duo de flics de la BD américaine. Enfin, quand on dit duo, c'est de moins en moins vrai car la légiste qui vit aux côtés de Twitch a désormais plus qu'une place de faire-valoir.
Si le premier diptyque avait commencé comme une enquête policière à la « Seven », cette fois, on annonce la couleur dès le début ; Sam & Twitch font dans le paranormal. Mais pas à la manière d'un X-Files. Ici, c'est davantage de sorcellerie que de forces extérieures qu'il est question. Toutes les sorcières de New York se retrouvent dans la ligne de mire d'un étrange serial killer. Plongée dans le glauque, à la poursuite d'un fameux détraqué. Cadrages toujours aussi redoutables, dialogues ciselés et nombreux (Bendis a une manière de travailler ses dialogues qui s'apparente plus au cinéma qu'à la BD) et surtout, ce découpage hallucinant qui m'avait plu dès les premières pages du premier album. Rien à dire, la série ne faiblit pas, malgré un changement de dessinateur. Elle gagne peut-être même à nous proposer une histoire plus ramassée, en un seul tome. Le suspense est constant et les personnages jouent avec une justesse idéale.
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